L’Ibadisme (al-Ibāḍiyya) attire de plus en plus l’attention des chercheurs, en raison de sa riche histoire comme une branche modérée de la communauté musulmane et une école islamique indépendante. Les origines de l’Ibadisme remontent à la première moitié du 1er siècle de l’Hégire. L’Ibadisme est apparue comme une branche modérée pendant la première « guerre civile » ou la Fitna (656-661), lorsque le schisme des «Muhakkima », qui préconisa le principe «La hukm illâ li-lah » (Seul Allah est juge ), s’est opposé à l’arbitrage entre ‘Alī  et  Mu ‘āwiya dans la bataille de Ṣiffīn (35-36H/656). L’Ibadisme s’est, ensuite, étendue  à Bassorah en Irak, où sous la direction de remarquables hommes, les maitres et les imams, a élaboré une littérature juridique et théologique unique en son genre, qui nous aide à comprendre les premières étapes de formation non seulement de l’école ibadite, mais celles aussi du début de l’histoire islamique. En raison des conditions historiques défavorables, en particulier lors de la crise provoquée par la deuxième Fitna (61H / 680), la majorité des ibadites installés à Bassorah a cherché refuge en Oman, au Yémen et dans la péninsule Hadramawt au sud-est de l’Arabie, ainsi que dans plusieurs pays islamiques en Afrique du Nord. Au Maghreb, une littérature importante a été construite dans les différentes communautés dispersées et par de nombreux historiens et théologiens (oulémas). Un peu plus tard, les ibadites se sont répartis sur les côtes orientales de l’Afrique, où les communautés ibadites modernes ont conservé les principes de l’enseignement de leurs ancêtres, malgré quelques variations locales, qui doivent être attendues étant donné leur isolement. Aujourd’hui, la plus grande de ces communautés ibadites et la plus prospère est installée dans le Sultanat d’Oman, dans la péninsule sud-est de l’Arabie. D’autres petites communautés existent dans plusieurs lieux historiques comme Zanzibar et Kilwa sur la côte orientale de l’Afrique, Jabal Nafūsa et Zuwara en Libye, sur l’île de Djerba en Tunisie, et Wad Mzab en Algérie.

Cette remarquable école de l’Islam, qui a connu des interprétations différentes dans les diverses communautés ibadites locales, doit son nom à ‘Abd Allâh b. Ibad al Murra al-Tamimi, un des premiers théologiens de la communauté. Le principal fondateur de l’école est le successeur de Ibn IBAD, le célèbre Jābir b. Zayd al ‘AZDI (d. Ca 100H) et le plus éminent des maitres de  l’Ibadisme, venait de Nizwa en Oman. Jābir b. Zayd était responsable des contributions les plus importantes au développement d’une tradition ibadite indépendante.
Aujourd’hui, Oman attire les chercheurs avec ses collections exceptionnelles de manuscrits contenant des matières valeureuses sur la communauté ibadite. Des communautés ibadites ancestrales, avec leurs bibliothèques remarquables et leurs liens communautaires très tissés, sont également encore en vie dans le Maghreb. L’Ibadisme témoigne calmement de son aspect tolérant, compatible avec une séculaire tradition islamique de coopération avec tous les peuples.

(Tiré du volume sur l’Ibadisme, édité par Angeliki Ziaka, p.11-12)